"En photographie, la plus petite chose peut-être un grand sujet", disait-il. En parcourant l'exposition, on prend du bonheur à saisir tous ces détails captés qui changent notre regard. Sans emphase, sans ambage, Henri-Cartier Bresson nous offre de la vie. Elle nous saisit. Sans intellectualiser mais en mettant à portée de son Leica les êtres dans ce qu'ils ont de plus simples, de plus vrais, de plus humains, dans leur quotidien. Il a la grandeur de ceux qui savent rester humbles devant le monde. De Palerme à Sienne en passant par les bords du Rhin ou de la Marne, il se rend "disponible", dans l'instant, pour capter justement cet instant évanescent. Il sait être là, ne cherche pas à démontrer. Se tient pour observer, être la vigie de nos vies qui basculent si vite de l'ombre à la lumière, pour saisir aussi le regard des grands. Combien est-il étonnant de ressentir leur doute, leur désarroi, leurs peurs. A ressentir la mélancolie de Bonnard, l'infinie tristesse et la profonde solitude d'Irène et Frédéric Joliot-Curie, à voir la mise à distance étudiée d'Isabelle Huppert, on ne peut qu'être marqué par la luminosité du regard de Georges Braque. Une clairière dans un ciel* souvent noirci par la vie. Il est frappant de mesurer cette angoissante emprise du temps sur ces regards d'adultes assoiffés de vie et de lumière et qui en semblent tant dépourvus. Comme si les épreuves assombrissaient ou vidaient de leur substance le regard de ces êtres "en lutte avec eux-mêmes et avec le temps"; comme si ce bonheur tant convoité surgissait uniquement de ces dixièmes de secondes prises au temps des enfants. De cette difficulté à exister jaillissent, en effet, d'extraordinaires instants de poésie captés dans la rue, là où les enfants existent et jamais ne posent. Alors, cette vie devient magie et s'impose avec légèreté, rire et volupté. Allez voir cette exposition. Elle est simple et belle comme le sourire de Henri Cartier-Bresson qui n'en finit pas de nous promener dans une réalité jamais fabriquée, juste saisie, avec la rapidité de ceux qui ont une patience infinie.
* Clairières dans le Ciel de Francis Jammes à feuilleter pendant l'été pour s'entendre lire : " Je la désire dans cette ombreuse lumière qui tombe avec midi sur la dormante treille,..."
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