C’est un bouquet de fleurs que l’on emporte avec soi en
sortant du 38 avenue Matignon, enchanté d’avoir cueilli et recueilli beaucoup de pétales d’humanité dans les visages
exposés et filmés par Shirin Neshat à la Galerie Jérôme de Noirmont. Mais avant
de pourvoir respirer les senteurs des lemon flowers ou des lovely cucumber
flowers, il faut s’imprégner des visages et des corps. Sur d’immenses photos de
près de deux mètres de haut, des
hommes et des femmes posent. Ils posent devant nous, debout, devant de magnifiques peintures laotiennes ancestrales qui gagnent, de ce fait, en densité. Et l'on est pénétré par leurs regards pourtant distanciés qui disent la
dureté de la vie, parlent de tristesse, de douleur muette. Leur silence devient vite le nôtre, et ce n’est qu’après
avoir gravi les marches de l’escalier qui nous amène au premier étage que la
parole est. Elle est fleur car ici les fleurs s’offrent dans une joute poétique
entre ces hommes et ces femmes ridés du rez-de-chaussée. Shirin Neshrat les a
filmés dans un face à face touchant et étonnant. Ils égrènent des mots d’où s’envolent des déclarations d'amour des plus osées. Et l'on se plaît à écouter ces chants appelés Lam qui viennent petit à petit bercer notre âme : - « Come, take me as your lover »-
I’ve got black eyes and no one to sleep with » - « If you like to see
the paradise come and follow me »- « I’d like to follow you and sleep
with you ». Et si les « Oh my flower, oh my lemon flower »
rivalisent avec « Oh my yasmine flower, my mango flower…» c’est pour exprimer le bonheur de se relier à
l’autre en faisant fi de toute morale et toute religion. D’une poignante
sobriété Games of desire devient le prolongement vidéo
nécessaire des photos présentées. On en sort émerveillé.
Photographe et cinéaste iranienne en exil, Shirin Neshrat a reçu Lion d’argent à la Mostra de Venise. Jusqu’au 21 novembre.
Commentaires