"Ne s’arrêter que lorsque la couleur et la lumière coïncident. La couleur je n’y échapperai pas, c’est une fatalité, c’est ma nature…" disait Shafic Abboud. Et c’est bien qu’il en soit ainsi, car la découverte de ses tableaux se fait naturellement par la lumière qui émane de ses toiles, ni complètement abstraites ni complètement figuratives, qui se donnent à nous autant que nous nous donnons à elles. Une lumière née certainement de sa terre natale le Liban où entre une grand-mère conteuse et un grand-père paysan et poète il a grandi. Regarder ses toiles c'est faire acte de poésie, de « présence pure » dirait Christian Bobin, c’est pénétrer à l’intérieur de l’histoire de Shafic Abboud mais aussi de la nôtre, confondues avec la même grâce. J’aime ses toiles qui racontent sans raconter, qui nous font entrer dans sa vie non, par effraction, mais avec émotion et douceur, et je dirais même avec pudeur. J’aime cette manière d’aborder les sujets, de les inscrire dans le temps, de faire jaillir la lumière partout où nos yeux se posent, en France ou au Liban, dans son atelier, dans une chambre, par la fenêtre, dans les parcs. Parce qu’il y a « l’amour en noir fleuri », la guerre, « les cafés engloutis », la mort, les saisons qui passent, « la mer qui raconte », « la robe de Lyot »… tous ses bonheurs, ses tourments, qu’il rassemble, dispose sous son pinceau, tout ce puzzle de vie décomposée, recomposée. Nul besoin de le rattacher à une école même s’il fût affilié à l’Ecole de Paris, et eut plus que de fortes affinité avec l’abstraction lyrique. Je préfère ne le rattacher qu’à l’école de sa vie, de sa culture franco-libannaise, de son incroyable capacité à nous faire entrer dans la toile, de nous en faire repartir, puis de nous y faire revenir pour reconstruire son histoire, notre histoire. Claude Lemand lui avait fait avant sa mort une magnifique promesse : publier sa première monographie et organiser sa première rétrospective. C’est chose faite puisque en ce moment se tient à l’Institut du monde arable l’exposition qui lui est consacrée. Qu'il en soit remercié. Avant d’y aller, je ne connaissais rien à l’œuvre de Shafic Abboud. Aujourd’hui riche de ma découverte, je viens la partager avec vous afin de vous inciter d’aller à la rencontre d’un grand peintre, le plus grand peintre libanais arabe et parisien de la seconde moitié du XXème siècle. Retrospective jusqu'au 28 août à l'Institut du Monde Arabe. Pour ceux qui ne peuvent s'y rendre cet été, un site lui est consacré. Catalogue de l'exposition et monographie préparés et publiés par Claude Lemand à se procurer à la librairie de l'IMA. Présenté ci-dessus : Nu de Shafic Abboud 1984.
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