Les portraits sont saisissants. Tous, sans exception.
Impossible de les regarder sans être happé par la force qui s’en dégage. Les
mots n’ont ici plus leur place pour dire ce qui est. Regarder, c’est comprendre.
Peu importe que l’instant soit court ou long, l’important est de se relier à
tous ces êtres indigents, en marge, en souffrance, en fin de vie. L’essentiel
est de faire vivre, exister par notre regard, ces hommes et ces femmes qui n’ont
habituellement guère de place dans
la société. Ainsi, devant nous, ils renaîtront, ils seront encore et plus que
jamais en vie, présents dans nos vies. Par la photo, ils entrent chez nous ou
plutôt en nous, et c’est déjà beaucoup.
Ils ont la vie qu’ils ont mais c’est leur vie, celle à laquelle, on ne
peut soustraire notre regard, celle à laquelle ils ne peuvent échapper. On ne voit qu’eux, assis sur une chaise, allongés
sur un lit ou gisant par terre devant l’objectif nullement inquisiteur mais qui
se pose pour dire un peu d’eux-mêmes, de leur humanité. Des êtres dignes
d’être aimés, reconnus pour ceux qu’ils sont encore malgré la pauvreté, malgré
la crasse, malgré l’alcool, malgré la folie, malgré la non reconnaissance
sociale. Car ces laissés-pour-compte font bien partie de notre monde et ont le
droit revendiquer leur place. Chacun ne peut être toujours sa juste place. A nous de
les aider, par notre regard, nos mots, nos gestes, à nous d’apprendre à les
respecter et à les aimer.
Jean-Louis Courtinat ne cesse d’explorer ces zones
d’errance,de douleur, de misère, de solitude ...des zones de turbulences qui nous renvoient
beaucoup de peur. Mais c’est sans compter les sourires qui en disent long
sur l’amitié, sur l’amour qui bruisse et en vient même à
crépiter quand l'un d'eux se confie : « J’ai rencontré Cathy dans
la rue il y a treize ans. On faisait la manche tous les deux. Depuis, on ne
s’est plus quitté. Elle est handicapée physique...Notre seul but, nous marier.
Laisser une petite trace comme quoi on a vécu ensemble ». Ce merveilleux
témoignage en dit long sur ces deux-là qui s’aiment et veulent construire
quelque chose. Qu’il soit rassuré, l’amour laisse déjà trace et continuera de le
traverser, je l’espère, longtemps encore.
Jean-Louis Courtinat ancien assistant de Robert Doisneau s'est depuis longtemps engagé sur sa propre route. De livres en expositions, il redonne voix aux sans voix avec beauté et une incroyable humanité, en laissant se poser son regard sur ces hommes et femmes si différents de nous, en fait, pas si différents de nous. Si photographier est pour lui un acte militant, puissions-nous à notre tour militer pour une plus grande reconnaissance de l’Autre en nous rendant sur son site et en achetant ses livres. Puissions-nous aussi nous relier plus souvent aux autres pas tout à fait comme les autre, des autres qui sont nôtres.
Photo de Jean-Louis Courtinat. Récente exposition à la Galerie Fait&Cause.
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