C'est fou, je ne pensais pas en parler. Georges Braque fait l'actualité depuis la rentrée, alors pourquoi en parler encore et encore. Beaucoup de choses ont été dites, et bien dites. En outre, après avoir vu l'exposition qui lui est actuellement consacrée, je me suis sentie prise dans mes propres contradictions : distance et attirance. Puis, je tombai sur cette phrase du peintre qui fit immédiatement écho en moi : " La réalité ne se révèle qu'éclairée par le rayon poétique". Alors oui, c'est bien de Georges Braque mais sous le prisme de la poésie dont je vais vous parler. Car ils étaient nombreux les poètes amis.
Une très belle complicité le lia à Pierre Reverdy, dont ce fut peut-être l'ami poète le plus proche de lui, celui qui écrivit aussi le plus sur lui. Ils échangèrent beaucoup sur "l'émotion". Moi qui croyais l'émotion relativement éloignée du champ artistique de l'oeuvre de Georges Braque, ce fut bien méconnaître le peintre qui, pour en parler, se place du point de vue du créateur et la considère comme germe : "L'émotion ne doit pas se traduire par un tremblement ému. Elle ne s'ajoute, ni ne se limite. Elle est le germe, l'oeuvre est l'éclosion". Reverdy et Braque travaillèrent beaucoup ensemble sur cet état. Georges Braque se mettait en état de disponibilité permanent pour attendre l'appel ..." car on ne sait pas d'où viendra l'appel " disait-il. Francis Ponge, autre grand poète l'exprime fort bien : "Braque, qui ne force jamais son talent, qui ne s’oblige jamais à peindre, s’oblige par contre toujours, d’ailleurs le plus naturellement du monde, à rester à la disposition de ce talent".
Et puis, il y eut aussi un autre géant, René Char qui, au-delà d'une forte amitié qui le lia au peintre, travailla durant plus deux ans sur Lettera Amorosa. Une association intense pour illustrer ce magnifique poème lyrique qui parle de deux amants qui n'ont de cesse de s'aimer, de se contempler, de se réinventer. Un poème dans lequel la femme n'est jamais nommée mais prend le nom d'Iris : "Merci d'être, sans jamais te casser, Iris, une fleur de gravité". Les oiseaux, motifs chers à Georges Braques se retrouvent au fil des 27 lithographies qui illustrent le poème dont la première édition originale parue à Genève cinq mois avant la mort du peintre en 1988.
Quant à Prévert qui aimait comme lui la Normandie, et lui rendait régulièrement visite à Varengeville, il écrivit :
"
La mer comme la peinture /est une société secrète qui n'annonce jamais ses couleurs /Braque ne joue pas avec elles / il n'est pas joueur /il les interprète/les donne en spectacle gravement /intensément /originellement".
Il y eut aussi Guillaume Appolinaire, Françis Ponge, Saint-John Perse...
Un homme qui aime les poètes ne peut être qu'un homme bien ou du moins que l'on retient. Lui qui disait essayer de "créer son oeuvre du limon de la terre" mérite qu'on lui rende hommage en allant découvrir la grande rétrospective qui lui est actuellement consacrée au Grand-Palais, mais aussi en prenant le temps de lire ses écrits et les ouvrages de ses amis poètes qu'il a su merveilleusement illustrer. Georges Braque Galeries Nationales du Grand-Palais jusqu'au 6 janvier 2014. Lettera amorosa en poche / Poésie Gallimard. Visuel : l'une des lithographies de Georges Braque qui accompagne ce merveilleux chant d'Amour. A voir aussi www.monarbredevie.com : Le temps d'apprendre à aimer.
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