J'aime bien le retrouver, retrouver sa prose, retrouver son émerveillement. La poésie est indissociable de sa vie. Comme elle l'est pour moi. Nullement naïf ce regard posé sur la nature, les êtres vivants et les choses, juste simple et vrai pour remettre l'homme à sa juste place et nous faire voir ce qu'il y a à voir entre les pavés, dans "la longue flamme rousse du corps d'un renard, dans l'étirement d'un chat, dans l'odeur de l'acacia, devant la nudité d'un chêne l'hiver, devant un mur moussu noirci d'eau vert"... Oui, je suis bien avec Christian Bobin, et cela fait très longtemps que je suis bien. Le temps n'altère aucunement ce sentiment. Et parce qu'il faut vivre, autant que je vive ma vie au plus près de ce qui me la rend belle comme "ces herbes folles hautes et maigres qui bavardent", comme "ce merle qui chante un Ave Maria"...Oui, tout est à saisir. La vie est là, nous tend les bras dans les nuages qui se déplacent, dans les jeux d'ombres, dans la lumière qui traverse les branches, dans le regard brillant d'un enfant, dans une main ridée qui n'attend qu'à être aimée, regardée...Etre juste là en présence des autres, des choses, c'est beaucoup, c'est tout, c'est essentiel pour ne pas se sentir alourdi par le poids de l'actualité, des faiseurs de modes et d'égo.
Christian Bobin dit d'ailleurs tout haut ce que je pense - non pas tout bas - mais souvent, d'ici bas : " Le monde est une plaque de plâtre qui se décolle d'un mur : ce qui apparaît dessous est d'une dureté de fer." Alors, il faut regarder, regarder encore et encore, nous brûler les yeux avec le merveilleux.
Comme ce matin où, très tôt, il me fut donné le plus beau des concertos. Le printemps n'est pas loin. Les oiseaux me le disaient avec une simplicité désarmante et étonnante. Christian Bobin l'a, quant à lui, très bien résumé en une phrase : " Il y aura toujours une pluie pour jouer du clavecin ou un merle pour composer une fugue". Oui, la nature encore si présente et vivante nous ramène à l'essentiel, au présent qui nous réserve tant et tant de petites et grandes surprises. Il faut ouvrir les yeux, écouter, " avoir l'ivresse de goûter une vie dont chaque instant est sans modèle ". Oui, c'est ça : une vie dont chaque instant est sans modèle car trop de modèles tuent, tout comme trop de routes tracées ou à tracer semblent nous donner une raison d'exister et de nous positionner, trop de moules dans lesquels on veut nous faire entrer...Goûter à la vie en poésie parce que la poésie est partout. Elle ne se limite pas uniquement à un genre littéraire, elle est bien plus. Elle est une manière d'être dans le monde et au monde : " Une affaire vitale, la dernière chance de rester dans le bloc du réel". Celle qui me permet d'user de mes mots pour écrire des poèmes, des livres : " des huttes pour les âmes, des mangeoires pour les oiseaux de l'éternel, des points de résistance".
Puissions-nous tracer avec nos propres points, de belles lignes de vie en pointillés comme autant de feux de résistance créés !
Inspiré par "Un assassin blanc comme neige" de Christian Bobin / Gallimard.
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