Il m’attendait sur une table, dans la très célèbre librairie Lello à Porto, parmi d’autres livres sagement posés…Cela m’a fait du bien de voir sa très belle couverture épurée, l’encre noire délavée sur fond de terre de sienne grisée ou d’ocre brun sali sur laquelle se détachait un titre lapidaire : A Guerra. Je me suis avancée et ai pris le temps de la regarder encore quelques longs instants avant de l'ouvrir. Joie. Les touristes qui se bousculaient à l’intérieur de la librairie comme en proie à une hystérie collective pour photographier ce lieu emblématique ne me donnaient plus envie de repartir. J’étais bien avec ce livre qui allait être… un livre qui allait compter. J’ai savouré ces instants. Magie d’un temps suspendu qui me réconciliait un peu avec cet endroit hors du temps.
Je l’ouvris enfin et vis immédiatement que ce livre était consacré au mal absolu. Dès la première double, le mal est là. Il avance, prêt à s’infiltrer partout. Les arbres calcinés le disent, tout comme le corbeau qui l’exprime dans un sublime élan abstracto-expressionniste. Le mal est. Le mal attend celui qui en fera son arme absolue pour détruire, araser l’humanité. L’invicible machine est en marche.
Un homme attend son heure. Et son heure est. Elle est là, arrivée. Aucune impatience. Juste l’attente de ce qui allait arriver. Le dictateur fait fonctionner la machine de l’horreur avec une froide détermination.
Orchestration, destruction, élimination.
Tout est dit, en peu de mots, pour laisser place au silence, le silence qui suit l’anéantissement, et puis, ces araignées qui règnent en maîtresse des lieux sur la dernière double page, celles-là mêmes qui étaient sur le contre-plat avant de la première couverture. Loin d’être les cousines de la gigantesque sculpture de Louise Bourgeois qui en fit le symbole de la figure maternelle, celles-ci continuent d’ourdir leur complot dans le noir du désespoir.
Il faut acheter ce livre, le toucher (merveilleux grain de papier), le regarder, le partager pour comprendre ce qui se répète au fil des siècles : les guerres qui n’ont de cesse de surgir et d'anéantir.
La beauté de ce livre réside dans les illustrations de André Letria qui ont la force de leur sobriété et l’économie de mots de José Jorge Letria. Père et fils liés pour dénoncer le mal dans un même élan.
A guerra José Jorge Letria André Letria, à commander dans toutes les librairies ou sur ce site
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