Entrer dans un musée aimé avec l'innocence d'un enfant qui va découvrir quelque chose de nouveau qui se révèlera beau.
Y aller pour se relier à la beauté de gestes nourris par la vie, par des pensées qui oeuvrent et font oeuvre, par la foi d'un homme qui sort du cadre pour nous livrer avec humilité et force le travail d'une vie. Que demander de plus ?
Fin juin, le Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne m'a encore ouvert ses portes, et cette fois-ci je suis allée à la rencontre de Hassan Sharif, vierge de toute lecture sur ce pionnier de l'art conceptuel au Moyen-Orient né en Iran.
J'ai laissé le temps me parcourir comme j'ai parcouru les salles, avec lenteur et bonheur. Car avec Hassan Sharif toute démonstration appuyée semble inutile. Il faut juste prendre le temps d'entrer dans le temps de l'artiste. Le temps des gestes, des performances, des expérimentations, des assemblages, des répétitions, des accumulations, des découpages, des tressages....
Je me suis laissée porter par tout ce corpus d'oeuvres qui doit être compris comme un seul geste. Un geste d'une amplitude folle sous une apparente simplicité car ici rien d'ostentatoire mais un travail de fond qui nous entraîne bien loin pour dénoncer la modernisation, la société de consommation avec des installations monumentales qui parlent d'elles-mêmes, avec cette immense fresque de jouets d'enfants achetés sur des marché de Dubaï. Repeints, ils se réinventent sur fond blanc en réactivant notre part d'enfance et en nous laissant quelque peu pantois devant tant d'insolentes débauches commerciales mais qui, ici, savent reprendre vie et se réorganiser en assemblée de grigris, de merveilleux grigris !!
Au-delà de "son travail d'archéologie urbaine" qui s'appuie sur des matériaux bruts ou naturels et font oeuvre d'une mémoire collective, l'artiste nous nous offre aussi des travaux nourris de calculs mathématiques pour lesquels le hasard et la répétition finissent par générer ennui et fatigue, et donc des des erreurs, comme autant de mouvements et diversions opportuns. Passionnant.
Hassan Sharif explore sans relâche et sans relâche se remet à la tâche pour nous délivrer un message non pas abscons mais on ne peut plus humain, ouvert sur la vie, et sur une fantaisie heureuse. L'absurdité ne semble pas loin mais jamais l'artiste ne la rejoint. Ses travaux surfent sur le peu qui s'ouvre sur le merveilleux. Le peu exploré, répété... qui fait de la poésie de l'ordinaire un champ d'exploration extra-ordinaire.
Si Hassan Sharif demeure un des artistes les plus influents du monde arabe, il est salutaire que le Musée d'Art moderne et Contemporain de St-Etienne Métropole l'accueille et lui rende hommage. Je le ne connaissais pas encore il y a deux mois. Désormais, je suis heureuse d'être allé jusqu'à lui comme lui est venu à moi.
Fin juin, je suis entrée dans ce Musée avec l'innocence d'un enfant qui va découvrir quelque chose de nouveau. Et ce nouveau s'est révélé beau, très beau.
Courez voir cette rétrospective qui dure jusqu'à fin septembre. Elle est cadeau.
Hassan Sharif/ Musée d'Art Moderne et Contemporain/Saint-Etienne Métropole/Jusqu'au 26 septembre 2021.
Et pour multiplier l'envie d'y aller : sachez que le premier dimanche du mois, le Musée est gratuit.
Photo: Colours -2016-
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