J'entre au 58 rue Quicampoix. Je vois Jean-Louis, tout comme sa bonhommie. Bonheur de le retrouver et de regarder son travail exposé.
Les souffrances de l’âme disent beaucoup de son regard porté sur les handicapés mentaux qu’il a côtoyés durant de longues immersions au sein du foyer de vie Chrysalis en Belgique. Un regard doux, un regard vrai, ni condescendant, ni infantilisant, juste à hauteur de ces hommes et femmes en souffrance.
Je regarde les photos sujets de cette exposition, et je vois des regards perdus, effarés, durs, inquiets, mais aussi des sourires vrais et pleins comme ceux de Joël et de Jordan ; je vois l’étonnement, le désarroi, l’angoisse, l’ailleurs, leur ailleurs ; je vois aussi des gestes qui réparent, rassurent, sauvent comme celui de Patrick qui serre tout contre lui Joël, et de Joël qui ne fait plus qu’un avec son cheval (son câlin équin), les mains des éducateurs qui apaisent, relient, protègent ; je vois le geste de fumer comme le plus beau des gestes pour partager un temps de pause au fumoir presque dans le noir ; je vois Monique se maquiller, je vois Mario me regarder…Comment en parler ? Les mots sont presque de trop pour pénétrer leur vie, leur intimité.
Il y a tant à dire sur ces photos qui ne dévisagent aucunement mais disent avec une infinie tendresse l'humanité, la douleur et aussi le bonheur d’être accompagné avec respect et amour dans un cadre familial, dans cette institution créée par Edith Allaert-Bertin. Une structure qui pratique la psychothérapie institutionnelle, aujourd’hui dénoncée par la Haute-Autorité de Santé en matière d’autisme…Et pourtant, après 9 ans dans une cellule d’isolement Sandra retrouve un foyer dans lequel elle se sent comme chez elle, Mario atteint de troubles autistiques et qui était considéré comme violent, ne présente plus désormais de signe d’agressivité…la liste est longue qui exprime qu’ici la vie reprend ses droits. Aucun résident ne rentre dans un cadre, aucun ne peut tracer une ligne droite avec sa vie (mais de ligne droite qui peut d’ailleurs prétendre en tracer une ?). Devons-nous pour autant les contraindre à de puissantes camisoles chimiques et à des lieux de vie super médicalisés ? Aidés par des éducateurs attentifs qui les aiment et les cadrent, le foyer de vie Chrysalis qui accueille ces résidents français nous prouve tout le contraire.
De retour chez moi, je les regarde encore et encore, ayant rapporté avec moi le livre qui dit leur quotidien. Ces photos vues à la Galerie Fait & Cause continuent d’oeuvrer. Chacun devrait les faire siennes car tout discours me semble vain pour exprimer la nécessité de respecter ces grands fragiles en créant des structures adaptées comme l’a fait Edith Allaert-Bertin qui, il y a un peu plus de 20 ans, a décidé de créer un lieu pour accueillir les personnes handicapées mentales qui ne trouvaient aucun lieu pour vivre et non survivre. Oui, tout simplement vivre !! « Ce petite espace de vie » qu’elle nomme est un phare dans la nuit. Merci à toi Jean-Louis de le montrer en beauté d’humanité.
Les souffrances de l’âme / Photographies de Jean-Louis Courtinat / du 11 mai au 18 juillet 2023 Galerie Fait & Cause 58 rue Quincampoix 75004 Paris
Livre Les souffrances de l'âme de Jean-Louis Courtinat / Kubik Editions / ISBN 978-2-35083-073-5
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